Une guerre au loin
Sylvain VENAYRE
Informer, dénoncer, émouvoir, plusieurs choix sont possibles pour un même fait, une même ba-taille.
La mise en mots de l'Histoire intéresse Syl vain Vénayre. On raconte, mais pas seulement, les mots ne sont pas les faits.
Que fait donc Pierre Loti devant Hué en 1883 ? Comme lieutenant sorti de l'Ecole Navale de Rochefort, il participe à l'expédition du Ton-kin, et il a un accord avec le Figaro dirigé par Ma-gnard
pour raconter les événements ; en juillet 1883 la flotte de l'Amiral Courbet, financée, en-voyée par le gouvernement de Jules Ferry arrive devant le golfe du Tonkin, devant Hué.
Pierre Loti qui reste à bord d'un des vais-seaux, l'Atalante, voit la bataille de loin, écoute les récits des soldats, et envoie son texte au Figa-ro.
A la publication, réaction immédiate du Mi-nistère de la guère qui censure une partie du texte. Pierre Loti sera rappelé, démobilisé, envoyé à Ro-chefort.
Il n'a pas compris ce qui lui arrivait.
C'est à partir de cet article que Sylvain Vé-nayre pose la question : comment raconter ?. Pier-re Loti avait décrit les combats de façon pittores-que, avec gros plans sur certains moments atroces
du combat ; on a pensé qu'il voulait dénoncer les horreurs de la guerre, il ne pensait qu'à raconter du mieux possible les exploits de la Marine fran-çaise (un « fort beau morceau de littérature
», dira Magnard)
La bataille de Hué fera 1200 morts chez les Annamites et aucun dans le camp français. C'était une belle victoire.
A partir de ce fait, Sylvain Vénayre aborde la colonisation sous Jules Ferry (qu'une autre ba-taille au Tonkin obligera à démissionner.). La « mission civilisatrice », la méconnaissance de
ces-pays et de leur organisation (cf., p29 : qui savait en France...)
Dans ce livre, Sylvain Vénayre se moque beaucoup de Pierre Loti, dont la renommée s'affir-me pourtant. Il l'oppose à Maupasant, pressenti comme lui pour « écrire des papiers » sur les
ex-péditions coloniales, mais qui refuse par haine de la guerre.
Pour Sylvain Vénayre, les textes parlant de bataille ne sont pas tous pittoresques.
Lorsque la bataille de Solférino, en 1859, est racontée par un témoin, un avocat suisse Henri Dunant, son récit engagé, dénonciateur des atroci-tés faites aux blessés donne naissance à la Croix
Rouge (création du CICRC en 1863) et en 1864 à la première Convention de Genève pour l'amélio-raion du sort des militaires blessés dans les ar-mées en campagne.
Entre ces deux extrêmes. Loti et Dunant, Sylvain Venayre convoque l'Iliade, Flaubert, Vic-tor Hugo, Camille Lemonnier dont il cite « les Charniers », Jean Hatzfïeld...
L'Histoire n'est pas racontée pour elle mê-me, mais pour les réflexions qu'elle suscite.